Qu’est-ce que l’empathie ?

Par Serge Tisseron

L’empathie pour autrui se construit en trois étapes. 

L’empathie affective apparaît en premier vers l’âge d’un an. C’est la capacité d’identifier les émotions d’autrui, notamment à travers ses mimiques. Par exemple : « Je vois que tu souris, donc tu es content ». Vient ensuite vers l’âge de 4 ans et demi, la compréhension que l’autre a une vie mentale différente de la sienne. « Je vois que tu es content et je comprends pourquoi. » C’est la capacité à se mettre intellectuellement à la place de l’autre ou l’empathie cognitive. Ce processus aboutit enfin entre 8 et 12 ans à ce que Martin Hoffman appelle l’empathie mature, la capacité à se mettre émotionnellement à la place de l’autre. « À ta place, je serais content aussi. » Dans cette forme d’empathie complète, les composantes affectives et cognitives s’associent. Les images cérébrales révèlent alors de nombreuses connexions entre les régions postérieures, siège des émotions, et les aires frontales où opère l’empathie cognitive.

Parallèlement à cette empathie pour autrui, l’enfant développe une empathie pour soi qui passe par les mêmes étapes :
1. Etre capable d’identifier ses propres émotions, ce qui n’est pas évident avec certains sentiments comme la colère ou la honte.
2. En comprendre les raisons, ce qui n’est pas facile non plus. Un enfant peut agresser son frère parce qu’il s’est fait malmener à l’école.
3. Accepter que l’on puisse avoir plusieurs points de vue sur une même situation. Avant 12 ans, l’enfant a du mal à comprendre par exemple qu’une plaisanterie puisse être à la fois drôle et blessante. Certains adultes aussi, d’ailleurs !

Enfin l’empathie réciproque est la capacité, non seulement de se mettre à la place d’autrui, mais aussi d’accepter que l’autre se mette à la mienne, ressente ce que je ressens, comprenne ce que je pense. Elle introduit une dimension morale. Elle permet de comprendre que mon positionnement mobilise chez l’autre des émotions semblables aux miennes, positives ou négatives. On est au cœur du vivre ensemble, de l’accueil des réfugiés, ou au contraire du repli sur le nationalisme… Si la haine est réciproque, l’empathie l’est aussi.